Au delà du mur du son, une autre façon de voler
A l’approche de Mach 1 apparaissent une onde de choc, des vibrations et des frottements importants. Pourquoi le vol supersonique nécessite le recours à des profils d’avion spécifiques ?
Les avions supersoniques aujourd’hui
Les avions supersoniques militaires
Les avions militaires supersoniques actuels sont des avions de chasse parfois multirôles et plus rarement des avions lourds de bombardement . Ils sont propulsés par des turboréacteurs à post combustion. Ils disposent d’ailes :
- soit droites et en flèche avec empennage horizontal
- soit delta avec une gouverne de profondeur à l’avant (plan canard), ou des élevons (les ailerons servent aussi au contrôle de la profondeur).
L’aile est implantée au centre du fuselage et son dièdre est généralement nul ou négatif. Le but est alors d’augmenter la maniabilité de l’appareil en situation de combat.
Afin de ne pas être inférieur aux avions ennemis, ils disposent de hautes performances (accélération, vitesse, plafond opérationnel) et consomment énormément de carburant principalement lorsque les réacteurs sont utilisés en post-combustion. Par conséquent, ils doivent avoir la capacité d’être ravitaillés en vol. Leur consommation en carburant n’est pas un critère prépondérant dans l’aviation de chasse.
Enfin, certains avions militaires supersoniques disposent d’ailes droites à flèche variable.
Contrairement à une idée reçue, un avion ne passe pas brutalement d’un régime de vol subsonique (au dessous de la vitesse du son) à un régime supersonique (au dessus de la vitesse du son). En effet, c’est un principe de mécanique des fluides, l’air relatif ne s’écoule pas à la même vitesse tout autour du fuselage et des ailes. Ainsi, L’air au dessus de l’extrados de l’aile est accéléré vers l’arrière alors qu’au dessous, au contraire, il est ralenti. C’est donc avant d’avoir atteint la vitesse du son, que certaines parties de l’avion se trouvent être en régime supersonique, alors que d’autres demeurent au dessous de la limite. Cette plage de vitesses avant que tout l’avion soit soumis à un écoulement d’air supersonique, s’appelle le régime transsonique.
Un chasseur moderne est conçu pour pouvoir voler au dessus et au dessous de la vitesse du son, et il est suffisamment puissant pour accélérer durant la phase transsonique.
L’abandon des programmes civils
Voler au delà de Mach 1 coûte cher car, d’une part, le développement d’un projet fait appel à des technologies de pointe mais aussi, et c’est certainement ce qui fait obstacle à l’aviation civile supersonique, la consommation en carburant est multipliée par 5. Le seul projet à s’être concrétisé a été celui du Concorde qui resta en service de 1976 à 2003. En croisière, il volait à Mach 2,2.
Né d’une coopération franco-anglaise, il représente un modèle de configuration pour le vol supersonique d’engins de grande taille avec ses ailes en forme delta gotique.
Tout se joue dans les années 50
L’histoire du vol supersonique débute à la fin de la seconde guerre mondiale avec le phénomène ressenti par les pilotes de chasse, d’un durcissement des commandes accompagné de vibrations, lorsqu’ils sont en piqué à grande vitesse. A cette époque apparaissent également les premiers chasseur à réaction. Dans un contexte de guerre froide les perspectives de domination par progrès technologiques, Des réserves énergétiques apparemment inépuisables vont aussi conduire les grandes puissances à lancer des programmes de vol supersoniques innovants, sans trop regarder à la dépense.
En octobre 1947, le Bell X-1 est le premier appareil à franchir le mur du son. L’appareil dispose d’ailes droites sans dièdre ni flèche et d’un fuselage en ogive. Il est propulsé par un moteur fusée et, ne disposant pas de suffisamment d’énergie pour faire un vol complet, il doit être porté en altitude au dessous d’un bombardier.
Moins d’une dizaine d’années plus tard, les recherches on abouti aux formes d’avions supersoniques connues aujourd’hui.
Déterminant 1 : La bosse transsonique
Des études en soufflerie sur des profils d’aile ont permis de mettre au jour une augmentation très importante de la trainée entre mach 0,8 et mach 1,2 parfois appelée « bosse transsonique » même le phénomène s’étend au delà de mach 1.
Sur une aile de profil classique, l’onde de pression engendrée par le déplacement de l’avion dans l’air n’est plus projetée en amont du bord d’attaque mais en aval. La perturbation de l’écoulement de l’air sur les ailes est telle que le coefficient de frottements (Trainée) est multiplié par un facteur très important (2 à 6).
Cela explique que le Bell X1, avec ses ailes droites (premier avion à avoir franchi le mur du son en 1947) ai du être propulsé par un moteur-fusée, suffisamment puissant.
Ce phénomène est fortement limité:
- si l’aile est fine, mais cela pose un défi technologique de construire des ailes fines et solides,
- si l’allongement de l’aile est diminué mais il devient difficile de voler aux vitesses subsoniques
- si l’on donne une flèche à l’aile.
Cette optimisation de la forme de la voilure, a permis à des avions propulsés par des turboréacteurs avec et même sans post-combustion de franchir cette bosse transsonique.
Le fuselage a lui aussi fait l’objet d’études montrant que le nez de l’avion devait être effilé, puis de forme cylindrique. Les moteurs sont intégrés dans la cellule, soit vers l’emplanture des ailes ou dans le fuselage
Déterminant 2 : l’onde de choc
Un objet se déplaçant dans l’air crée une perturbation qui se propage (onde) dans toutes les directions. Lorsqu’une voiture vient vers vous par exemple, vous l’entendez avant qu’elle ne vous atteigne. Mais si l’objet se déplace à la vitesse du son, il n’est pas précédé par l’onde sonore qu’il génère.
Tout se passe comme si l’air avec lequel l’avion entre en collision n’aurait pas été prévenu de son arrivée. Le choc qui en découle crée une onde très énergétique qui se constitue à l’arrière de l’avion et qui fait penser à une détonation.
Le fuselage, la voilure et l’empennage sont impactés par l’onde de choc ce qui a brisé les premiers aéronefs qui ont approché ces conditions de vol. Mais l’impact sur les gouvernes fait que l’appareil peut sembler devenir incontrôlable. Cet effet est même critique sur la gouverne de profondeur car l’avion est sujet à un effet à piquer que le pilote doit contrer. Or, il a été montré, également dans les années 50 que les avions à aile delta disposant de gouvernes de profondeur sur le bord de fuite de l’aile (élevons) étaient moins affectés par la perte de manœuvrabilité. C’est le cas aussi pour les ailes delta associées à des gouvernes en avant de l’avion (plan canard).
En conclusion
Les avions volant au delà de Mach 1 sont aujourd’hui des avions militaires. Leur forme est particulière. Leurs voilures sont peu épaisses, et soit en flèche soit de forme Delta. Leur gouverne de profondeur est placée juste à l’arrière de l’aile ou même en avant. Ils sont propulsés par de puissants turboréacteurs à post-combustion souvent placés dans le fuselage ou dans l’emplanture des ailes. Cette puissance est nécessaire pour vaincre la nette augmentation de traînée lors du passage au régime supersonique. Très performants à haute vitesse, leur forme est en revanche pénalisante pour les phases de vol effectuées à plus faibles vitesses.